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Petruskayart
31 janvier 2013

Brecht en Grèce

La semaine dernière, premier oral de mise en scène. Lamentable pour tous, mais passons là-dedessus. En première année à l'INSAS, pas de création (j’en grogne, mais tant mieux : toujours pas prête à la direction d’acteurs…) : on conçoit un projet de mise en scène qu’on ne réalisera pas. Quatre classiques au choix : Dom Juan, Combat de nègre et de chiens de Koltès, Léonce & Léna de Büchner et La Noce de Brecht.

                Puisque de 1/ le travail sur Philippe Malone m’avait ramenée à Brecht, 2/ on dit que Brecht dans sa jeunesse était anarchiste et 3/La Noce est justement une pièce de jeunesse, il me semblait tout désigné de choisir La Noce. Bon. Manque de bol, Brecht n’était pas franchement anarchiste, il a juste fait une crise d’ado comme tout le monde, peut être tard (21 ans), et cette crise d’ado a donné cette pièce. Quand il a grandi et s’est converti au marxisme, il l’a ré-intitulée La Noce chez les petits bourgeois, plaquant une lutte des classes à travers laquelle les hommes de théâtre du XXe siècle ont lu la pièce. On s’est écrié au génie : Brecht aurait dépeint la petite bourgeoisie qui aurait permis l’arrivée au pouvoir d’Hitler. Et ainsi fut lancée la mode de monter La Noce chez les petits bourgeois en projetant des images d’archives du IIIe Reich ou en costumant un des personnages avec un uniforme militaire.

                Je n’ai pas compris grand-chose à la pièce et je ne sais pas trop quoi en faire. Mais je me console en me disant que Brecht non plus ne savait pas quoi en faire : il ne l’a pas publiée de son vivant (je crois que c’est sa seule œuvre posthume, pas sûre), mais n’a même pas essayé de la retaper pour la marxiser, comme il l’a fait avec ses autres pièces dites de jeunesse. Du coup j’ai décidé de ne pas essayer de comprendre ce qu’il a voulu faire et dire avec cette pièce. Et donc d’utiliser la pièce non pour défendre le propos de l’auteur ni même une lecture que j’en ferais, mais juste de la prendre comme matériau pour parler de ce dont j’ai envie de parler. Et mine de rien, ces images d’Hitler collées à La Noce m’avaient interpellée /c'était peut être pas si idiot. Mine de rien, avec ma relation avec Nicolas, j’en ai vu, des saluts nazis.

 

              Au début, je ne comprenais pas sa rage d’Aube Dorée. Il me montrait la vidéo où le leader entre en conférence de presse et ses hommes de main grognent aux journalistes de se lever : les journalistes, serviles, se lèvent. Je ne voyais pas ce qu’il y avait de si choquant là-dedans. Il me montrait la vidéo d’un débat télévisé où un gars d’Aube Dorée en vient aux mains avec son interlocutrice. Bon, ce n’était qu’un débat un peu échauffé. Il me montrait la vidéo des militants qui vont dans les marchés virer et tabasser les vendeurs immigrés qui n’ont pas de permis de travail. Tout cela restait pour moi des cas isolés. Cet été, voyage en Grèce : un type avec tatoué le signe d’Aube Dorée, un panneau de signalisation tagguée d’une croix gammée. Des cas isolés. La situation économique me semblait plus préoccupante.

IMG_4788

            Séparée de Nicolas et arrivée en Belgique, j’ai commencé à parler autour de moi ce que j’avais appris sur la situation grecque. J'ai vu chez les autres l'apathie et l'incompréhension qui étaient miennes. Je mesurai l’absence de leçon que nous tirons de l’Histoire : nous avons appris en long en large et en travers à l’école « Crise économique de 1929 --> Hitler ». Et l’Union Européenne était censée, si j’ai bien compris, être garante de la paix ? Que fait-elle, cette Union, pour contrer ce processus ? à part l’austérité (fameux remède contre la crise, il a fait ses preuves comme nous savons tous), et nommer la femme du dirigeant d’Aube Dorée présidente de la Commission de l’égalité et la lutte contre les discriminations au Conseil de l’Europe ?

             Le rapport avec La Noce ? Peut être il n’y en a pas et c’est moi qui vais le créer de toute pièce. Utiliser le fait que la mère veille constamment à ce que son fils mange pour rendre crédible un ancrage dans la Grèce actuelle. Mais je veillerais à ne pas forcer la pièce à rentrer dans ce moule. Ce sera dur pour moi, sage et studieuse comme vous me connaissez, fraîchement sortie de l’université, de désacraliser le texte dramatique, m’autoriser à ne pas monter la pièce de Brecht mais bien ma propre histoire à moi, avec cinq projecteurs et vingt phrases du texte original.

              Là où je me sens peu légitime dans cette entreprise, c’est que je connais peu la société grecque et ses valeurs. Voici  mes idées reçues : rapport à la famille assez étouffant, parfois oppressant. La patrie ? j’entendais du nationalisme jusque dans la bouche de mon libertaire de service. La bouffe, la bouffe, la bouffe. Cette question des valeurs est importante car c’est, selon moi, le thème de La Noce : « La famille, c’est ce que nous avons de mieux, nous les Allemands ». Garder les apparences. Le qu’en-dira t on, l’honneur. « Sang ! Honneur ! Aube Dorée !», qu’ils crient dans la rue. 

IMG_4768 

"Dommage."

              Je ne sais pas… Je dois veiller à ne rien plaquer de tout-préparé. Le second danger serait de tomber dans mes idées toutes faites, surtout si je travaille autour de l'objet télévision... Je vais bien triturer ces deux matières, images d’Aube Dorée (dont je vous mets un best off ci dessous) et texte de La Noce, et je verrai bien si quelque chose naît de la rencontre. J’ai envie de travailler d’abord et surtout sur ma propre apathie et mon indifférence, sur l’ingestion comme normales des images et discours fascistes. 

 

 

Pour vous mettre dans l'ambiance : http://nouvelleshorslesmurs.wordpress.com/2012/11/28/helas-pour-nous/

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Commentaires
M
Mais quelle forme devra prendre votre rendu?<br /> <br /> <br /> <br /> Par ailleurs (pas forcement de lien direct mais je pensais a ca en lisant), bien que je ne sois pas suffisement acro aux sites-d infromation-alternative-anarchiste-grec pour savoir vraiment comment ca se passe, j ai toujours trouve assez etonnant que la montee de l Aube doree (et autres sympathiques groupements) se construise en s appuyant principalement sur un nationnalisme xenophobe somme toute assez primaire (car peut-on reellement comparer le confilt mondial juifs avec quelques ouvriers albanais?) alors que la porte semble aujourd hui toute ouverte , surtout en grec,e a exploiter un des (autre) fondement principal du nazisme : son anti-capitalisme profond. " Je peux aimer l'Allemagne et détester le capitalisme" disait l autre.<br /> <br /> A croire que les grandes theories sociales du XXeme siecle quelles qu elles soient ne font definitivement plus vendre....<br /> <br /> <br /> <br /> (bon en fait j ai pas encore assez de cafe dans le cerveau pour reflechir je sais pas pourquoi j ai essaye. pardon)<br /> <br /> <br /> <br /> smouch
Petruskayart
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